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Aux États-Unis, le manque criant de logements et la montée du télétravail ont déclenché une révolution immobilière inattendue : la transformation de bureaux en appartements résidentiels. Si la tendance reste marginale, elle pourrait bien s’accélérer dans les années à venir, apportant une réponse durable à la crise du logement.
Une réponse originale à la crise immobilière
Alors que près de 3,9 millions d’unités résidentielles manquent aux États-Unis, un mouvement émerge pour reconvertir les bureaux délaissés depuis la pandémie. En 2024, seulement 71 millions de pieds carrés de bureaux – soit 1,7 % du parc national – avaient été convertis, générant environ 38 000 logements. Ce chiffre modeste cache néanmoins une dynamique prometteuse portée par des villes comme New York, Washington, Chicago et Cleveland, qui cherchent à optimiser l’espace urbain existant sans construire à partir de zéro.
L’architecte Eran Chen, fondateur d’ODA, rappelle que ces reconversions sont une pièce du puzzle, mais ne résoudront pas entièrement la pénurie, insistant sur la nécessité d’un mélange : nouveaux immeubles, densification, mais aussi rénovation de friches urbaines.
Une réglementation en mouvement
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Face aux défis jurisprudentiels, certaines métropoles adaptent leurs normes. New York a approuvé fin 2024 l’initiative « City of Yes » qui élargit les critères d’éligibilité à la transformation des bureaux. Désormais, les bâtiments construits jusqu’en 1991 peuvent être convertis en logements, contre 1961 auparavant. Ce simple ajustement réglementaire ouvre de nouvelles possibilités, en particulier dans Manhattan, où une politique similaire dans les années 1990 avait déjà permis de créer 17 000 logements.
Pourtant, malgré ce nouveau cadre administratif, tous les immeubles ne sont pas adaptés à un usage résidentiel. L’orientation des fenêtres, la disposition des ascenseurs ou encore la largeur des plateaux sont des critères essentiels à évaluer.
Les défis techniques de la reconversion
Pour être habitables, les anciens bureaux doivent souvent être réinventés. Christine Espenshade de Newmark explique que les immeubles trop profonds posent un vrai problème : la loi impose qu’une chambre à coucher soit située à moins de 9 mètres d’une fenêtre. Ainsi, des modifications lourdes sont nécessaires, incluant :
– L’évidement des façades pour créer des puits de lumière
– La construction de terrasses ou de patios intérieurs
– L’ajout de fenêtres sur les côtés aveugles
Les cabinets comme SOM ou Gensler utilisent désormais des algorithmes pour prédire la viabilité de ces projets, rendant le processus plus rationnel. Sans cela, le risque est grand de transformer des lieux impropres en espaces de vie médiocres. À lire Les teintes incontournables pour sublimer votre porte d’entrée en 2025
Adapter l’intérieur à une nouvelle vie
Transformer un lieu de travail en logement ne va pas sans contraintes : hauteur sous plafond réduite, mauvaise ventilation et lumière naturelle insuffisante rendent les locaux souvent peu propices à l’habitation. Andre Kikoski, architecte chez AKA, affirme qu’il faut souvent intégrer de nouveaux éléments structurels comme :
– Des puits de lumière artificiels
– Des mezzanines pour ouvrir les volumes
– Des modules préfabriqués comme des cuisines ou des salles de bains
Autre réalité technique : les bureaux sont conçus pour encaisser davantage de mouvement horizontal. Ce qui est acceptable devant un ordinateur peut s’avérer inconfortable pour dormir ou cuisiner. Cela oblige à renforcer la structure pour stabiliser les vibrations.
Un impact écologique majeur
La transformation des bureaux abandonne partiellement le schéma traditionnel du “détruire pour reconstruire”, réduisant drastiquement l’empreinte carbone. Adam Yarinsky, fondateur de l’Architecture Research Office, insiste : réutiliser un bâtiment existant permet d’éviter les émissions dues à la démolition. Steven Paynter, de Gensler, va plus loin : le secteur de la construction génère 40 % des émissions mondiales de carbone, contre seulement 2 % pour l’aviation.
Réhabiliter un immeuble désaffecté peut ainsi diviser par deux son empreinte carbone, tout en préservant des ressources. Cette approche s’inspire de l’Europe, où l’adaptation architecturale fait partie de la culture urbaine depuis longtemps, contrairement aux États-Unis où la logique du neuf a longtemps dominé.
Une nouvelle façon d’habiter la ville
Au-delà des bénéfices écologiques, ces projets séduisent les habitants en quête d’originalité et de confort. À Baton Rouge, un édifice brutaliste a été transformé en résidences atypiques aux plafonds de béton bruts avec vue panoramique sur le Mississippi. À New York, l’immeuble Pearl House offre un mode de vie intégré : gymnase, spa, piste de bowling, et 40 000 pieds carrés d’espaces collectifs.
Contrairement aux immeubles classiques, ces logements bénéficient souvent de volumes généreux, comme à Pearl House, où les plafonds atteignent 3,3 mètres.
Ces reconversions ne se contentent pas d’occuper l’espace : elles reconfigurent la ville elle-même, métamorphosant l’héritage professionnel du XXe siècle en habitats innovants pour le XXIe siècle.